Les mesures en faveur de l’extinction de l’éclairage la nuit se répandent, que ce soit pour l’éclairage public ou pour les commerces et autres établissements privés. Il s’agit à la fois de lutter contre pollution lumineuse, qui est à la source de nombreuses gênes pour la biodiversité, mais aussi de réduire les factures énergétiques et la consommation d’énergie. Toutefois, selon un rapport du CGEDD (Conseil Générale de l’Environnement et du Développement Durable), le nombre de points lumineux liés à l’éclairage public est de 9.5 millions (contre 7.2 millions en 1990). Et cela, sans compter l’éclairage privé, qui s’étend aussi avec l’urbanisation. Comment aller plus loin pour limiter l’impact de l’éclairage ?
Une réglementation qui évolue
Un arrêté pris en décembre 2018 vient réaffirmer les objectifs de réduction de la pollution lumineuse. Il confirme plusieurs mesures déjà existantes comme l’extinction des lumières des vitrines et des commerces à 1 heure du matin ou encore l’extinction des lumières des bureaux 1 heure après la fin de l’activité. Le texte complète ces mesures avec une obligation d’éteindre les lumières éclairant les parcs et les jardins accessibles au public ou le patrimoine à 1 heure du matin au plus tard et prévoit des dispositions pour l’éclairage des parkings. Le texte instaure aussi des normes techniques pour les lumières extérieures, mais ne dit rien sur l’éclairage public.
Pour aller plus loin, un rapport du Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable propose plusieurs pistes d’actions : la sensibilisation des acteurs territoriaux aux enjeux de la pollution lumineuse, une démarche de remplacements des luminaires les plus impactants en France, la mise en place de plans lumières dans les territoires et la prise en compte de cette question dans les documents de planification comme le Plan Local d’Urbanisme.
Des collectivités locales mobilisées
Selon l’Association Nationale pour la Protection du Ciel et de l’Environnement Nocturnes (ANPCEN), 12 000 communes françaises pratiquent déjà une extinction de leur éclairage public la nuit, par exemple entre 23 heures et 4 heures, dans tout ou partie de leur territoire. Aussi, plus de 500 communes sont labellisées « villes ou villages étoilés » car elles ont mis en place des démarches pour lutter contre la pollution lumineuse. Cela passe par exemple par de la sensibilisation, par l’organisation d’évènements d’observation astronomique, par la découverte de la biodiversité nocturne des territoires.
Plusieurs communes de l’Eure mettent en place une extinction nocturne de l’éclairage public. A la clef de cette démarche : des économies d’énergies et une facture d’électricité qui diminue. Dans la commune de Brionne, la consommation d’énergie pour l’éclairage public a diminué de 38% dès la première année de mise en œuvre de l’extinction. Aussi, les inquiétudes sur la sécurité ne sont pas avérées, il n’y a pas plus de cambriolages ou de vandalisme quand l’éclairage public est éteint. Le nombre d’accidents de voiture n’a pas non plus augmenté.
De nombreuses communes choisissent aussi de rénover leur infrastructure d’éclairage public, notamment en ayant recours aux LED qui consomment moins d’énergie. Toutefois, cela mène parfois à un effet rebond néfaste : puisque ces points lumineux consomment moins et coûtent moins cher, certaines mairies choisissent d’en mettre plus, ce qui au final ne diminue pas la consommation d’énergie (ou peu) et continue d’engendrer une forte pollution lumineuse.
Le Pic du Midi : la première Réserve Internationale de Ciel Etoilé
La pollution lumineuse met à mal l’observation du ciel et des étoiles. Dans les grandes villes, on voit très peu d’étoiles, alors qu’on pourrait en voir jusqu’à 7 000 dans un ciel sans éclairage, selon l’ANPCEN. Dans le département des Hautes-Pyrénées, une démarche innovante a été mise en place autour du Pic du Midi afin de favoriser l’observation astronomique : une Réserve Internationale du Ciel Étoilé a été créée, concernant la moitié du territoire. Il n’existe que deux zones “Réserve Internationale de Ciel Étoilé” en France.
En 2009, les astronomes de l’observatoire du Pic du Midi constatent que l’éclairage nocturne gêne leur activité et proposent de délimiter un territoire dans lequel les communes doivent respecter un cahier des charges précis. La zone comprend 251 communes, avec une « zone cœur » exempte de tout éclairage permanent et une zone tampon dans laquelle les acteurs se sont engagés à protéger l’environnement nocturne.
Plusieurs actions sont mises en place dans ce cadre : une amélioration de l’éclairage dans de nombreuses communes du territoire, avec une volonté de réduire les points lumineux mais aussi de mieux éclairer. Par exemple, la puissance des lampadaires a été réduite, les émissions de lumière vers le ciel sont interdites, et en deuxième partie de nuit, la réduction de puissance doit être au moins de 40 %. Plusieurs aides financières ont été mobilisées pour arriver à ce résultat.
Un programme de sciences participatives a été construit pour que les citoyens puissent suivre l’évolution de la pollution lumineuse. Un projet de recherche scientifique sur la biodiversité nocturne est déployé et un plan d’action de préservation et de restauration du réseau écologique est envisagé. Enfin, de nombreuses actions de sensibilisation du public sont proposés : randonnées nocturnes, observations astronomiques, etc.